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Le Nudge Marketing partie 2 - Les nudges digitaux

Rédigé par Clémence Huckel | 21/08/19 08:36

 

Photo by John Schnobrich on Unsplash

La prise de décision chez l’humain est un phénomène complexe, qui est alimenté par une multitude de facteurs. De plus, il arrive que l’Homme, même en ayant une intention particulière, ne réalise pas l’action en adéquation avec cette intention. En effet chaque décision est influencée par une multitude de facteurs, notamment ce qu’on appelle des biais, des processus cognitifs qui vont court-circuiter le raisonnement logique, et qui vont biaiser le raisonnement pour résulter en une finalité qui ne sera pas en accord avec son intention.  Comme ces biais sont systématiques et prévisibles, il est cependant possible de les contourner, en faisant des modifications dans l’environnement de décisions, ce qu’on appelle des nudges.

 

 

Dans la première partie de cette série sur les nudges, nous avons exposé la théorie de Daniel Kahnemann sur les différentes vitesses de pensée, et le processus de décision. Nous avons expliqué comment ce psychologue a mis en évidence une centaine de biais et nous les avons illustrés dans des exemples de marketing ou d’actions qui utilisent justement des nudges, pour pallier ces biais. Nous avons montré comment réduire cet écart entre intention et action. 

Dans cette seconde partie, nous verrons comment transposer ces nudges dans le milieu du digital et quelle est la particularité de cet environnement, à travers différents exemples de biais qui seront contournés. 

 

La particularité du digital

Aujourd’hui, énormément d’actions quotidiennes se déroulent sur le canal du digital : chercher un appartement, réserver un voyage, commander à manger. Le digital s’est inscrit dans chaque partie de nos journées, il existe d’ailleurs pas moins de 1.4 milliards de sites Internet dans le monde. Par exemple, en recherche d’une prestation professionnelle, vous allez vous renseigner sur Internet. Le premier réflexe sera d’ailleurs d’aller sur un moteur de recherche, un forum spécialisé, le site d’un prestataire et de chercher les informations sur le web. 

Une personne qui va naviguer sur différents sites, surtout si elle cherche à se renseigner, comparer ou commander quelque chose, va être surchargée d’informations. Le problème est que cette surcharge de choix, d’informations, en plus des biais cognitifs ne va pas aider à faire le choix le plus raisonnable, rationnel ou même en accord avec les intentions de départ.  

Énormément d’interfaces sur des sites web ou des applications  induisent ou demandent de faire un choix. Celui-ci sera à la fois conditionné par le contenu des informations, mais également par l’environnement par lequel les informations sont présentées, ce qui peut exercer une influence inconsciente sur celui qui choisi. 

 

Les nudges digitaux

On parle de nudge digital à partir du moment où on utilise un nudge sur une plateforme digitale : application, site Internet, etc… car, que ce soit sur Internet ou dans une situation en face à face, les processus humains sont similaires, et sont influencés par des biais. Nous avons isolé, pour mieux vous illustrer, certains des biais et leurs nudges correspondant les plus connus dans des contextes d’utilisation digitale. 

Nous avons créé un simulacre de site de réservation pour un hôtel, et pour chaque biais, nous avons ajouté un nudge qui compense ce biais, afin de vous montrer, à quoi peut ressembler un nudge digital. 

 

1) Le Cadrage, la mise en avant

La cadrage (ou “framing” en anglais) consiste à contrôler la présentation des différentes options ou d’une problématique afin de la présenter d’une manière à influencer le choix. Par exemple, pour réduire la vitesse sur certaines routes, une équipe de prévention routière a décidé de réduire la distance entre les différentes bandes blanches tracées de part et d’autre de la route. Ces bandes rapprochées donnaient alors aux conducteurs l’impression d’aller encore plus vite que leur vitesse réelle, les incitant alors à ralentir. C’est donc la présentation différente du contexte qui a altéré la perception de vitesse. Sur un plan digital, on peut noter sur Amazon, la façon de mettre en avant des produits liés : fréquemment achetés ensemble, vus par d’autres clients, etc.. De cette façon, on attire l’attention sur des articles qu’un visiteur ne connaîtrait pas, ou n’aurait pas imaginé acheter. On peut imaginer ce phénomène sur notre site de réservation d’hôtel, en proposant une option de manière visible afin d’attirer l’attention dessus, et de déclencher peut-être un achat supplémentaire et non prévu. 

2) Le biais de Status Quo

Ce biais décrit la tendance des Hommes à ne pas vouloir changer les choses, à les garder telles qu’elles sont, même si elles les désavantages, plutôt que de faire l’effort d’un changement et de bénéficier d’un avantage apporté par un tel changement. 

L’exemple le plus connu est celui du système de don d’organes d’Autriche, qui ont décidé d’inscrire d’office tous les habitants en tant que donneur d’organe. Ainsi ce sont ceux qui ne veulent pas être donneurs, qui doivent faire les démarches pour se désinscrire de la liste. Le nudge ici est l’option par défaut qu’il faut annuler, comme le petit déjeuner inclu par défaut dans notre illustration. 

3) Le biais social

Les normes sociales influencent bien évidemment le comportement et les prises de décision. Nous avons tendance à suivre le groupe, à orienter notre comportement en fonction du comportement des autres. C’est notamment ce biais qu’on utilise pour les campagnes de prévention routière ou pour éviter le gaspillage, en mettant en avant le fait que “99% des gens mettent leur ceinture de sécurité”, “85% des étudiants éteignent la lumière en partant”, ou “80% des clients réutilisent leur serviette de toilette”. Sur le plan du digital, on peut citer à nouveau Amazon, qui met en avant les autres produits que les clients ont acheté avec celui que vous êtes en train de regarder. Ici, c’est le groupe qui met en place des associations de produits à acheter ensemble, qu’on peut être tenté de suivre.

Sur notre illustration, le fait d’indiquer le nombre de personnes qui ont réservé récemment au visiteur qui regarde l’annonce peut inciter celui-ci à finaliser sa réservation, par exemple : 

4) L’aversion de la perte

Ce biais part du principe que l’humain met plus d'importance dans le fait de  perdre quelque chose d’avantageux que de gagner quelque chose d’avantageux, il a plus de répulsion et de peur à perdre quelque chose, que de satisfaction à gagner quelque chose. Le principe est donc de donner une sensation de temps limité, d’exclusivité afin d’inciter le visiteur à ne pas perdre les avantages qui lui sont présentés sur cette courte période. Ainsi, il est forcé de réduire le processus de décision, et de choisir plus rapidement. 

Par exemple, indiquer le nombre de personnes qui consultent au même moment la même offre que nous, et qui peuvent ainsi réserver et prendre potentiellement les dernières places disponibles, peut aider à accélérer le processus de décision.

5) Le biais d’ancrage, d’ajustement

Nous en parlions dans la première partie de cette série, le biais d’ancrage consiste à prendre un élément en tant qu’ancre, c’est-à-dire en tant qu’élément de référence et de construire le processus de décision autour de cette référence. Ainsi, selon le point de référence, la décision peut être différente. On peut citer les systèmes de notation sur les appareils électroménagers qui déterminent la consommation d’énergie (catégorie A, B, C, etc), ou le “nutriscore” qui a fleuri sur les produits alimentaires au sein de nos supermarchés. 

Sur les plateformes digitales, on peut penser à Apple, qui compare toujours différents produits en mettant en avant leurs différences sur les options et sur les prix. Les prix les plus bas et les plus hauts servent alors d’ancre et le consommateur aura tendance à choisir le produit du milieu, comme illustré ci-dessous : 

6) L’actualisation hyperbolique

Selon le concept de l’actualisation hyperbolique, le consommateur a envie et besoin de consommer immédiatement. En fait, il accorde plus d’importance au présent et au futur proche qu’au futur. Ainsi, sur le digital, les visiteurs vont préférer des options avec un effet immédiat bénéfique sur le présent, c’est ce qui est pris en compte lors d’action de santé publique, ou en cosmétique. Sur le point de vue digital, certains sites privilégient des réductions immédiates si la décision est prise rapidement. 

 

Conclusion

 

Nous avons présenté 6 biais et leurs nudges correspondants qui sont utilisés régulièrement sur les sites Internet. Dans des contextes digitaux, les utilisateurs doivent souvent décider rapidement et de manière presque automatique, leur faisant prendre, plus souvent qu’on ne le pense, des décisions qui ne sont pas en adéquation avec leurs intentions de base. 

Les nudges digitaux sont alors des outils qui guident les décisions des utilisateurs grâce à des éléments de design. Le principe est donc d’étudier le processus de décision, d’identifier les différents biais cognitifs, et de transmettre ces informations aux designers afin de simplifier au mieux la navigation. Il faudra alors l’adapter afin de rendre le tout le plus intuitif possible.

 

Sources / Pour en savoir plus : 
  • Weinmann, M., Schneider, C. & Brocke, J.. Bus Inf Syst Eng (2016) 58: 433. https://doi.org/10.1007/s12599-016-0453-1
  • Mirsch, Tobias; Lehrer, Christiane & Jung, Reinhard: Digital Nudging: Altering User Behavior in Digital Environments. 2017. - 13. Internationale Tagung Wirtschaftsinformatik (WI 2017). - St. Gallen, Switzerland.
  • Schneider, Christoph & Weinmann, Markus & Brocke, Jan vom. (2018). Digital Nudging: Guiding Online User Choices through Interface Design. Communications of the ACM. 61. 67-73. 10.1145/3213765.